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Centenaire de l'archevêché des églises Orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale

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Archiprêtre Serge Tchetverikov

Le père Serge (Tchetverikoff)

L’église de l’ACER avait été consacrée, comme le souhaitaient les membres de l’ACER, à la Présentation de la Très Sainte Mère de Dieu au Temple. Le père Serge Tchetverikov a été nommé recteur de cette nouvelle église et aumônier du Mouvement, pour le plus grand bonheur des dirigeants de l’ACER.

Le père Serge Tchetverikov considérait que les dix années de service qu’il avait assumées à l’église de la Présentation de la Très Sainte Mère de Dieu au Temple avaient été les meilleures années de son sacerdoce. Ce service était étroitement lié à son activité pastorale en tant que directeur spirituel de l’ACER. Le père Serge avait déjà 61 ans lorsqu’il avait été appelé à s’installer à Paris. Il avait acquis en Russie une grande expérience pastorale. Dès la fin de ses études à l’Académie de théologie de Moscou, il avait été ordonné prêtre en 1896 et était devenu professeur de catéchisme, d’abord dans une école modèle de l’établissement diocésain d’enseignement pour les jeunes filles, puis au lycée de Saratov et enfin au Corps des Cadets Pierre Ier de Poltava où il servit de 1907 à 1919. En 1911, le père Serge était devenu président de l’association des professeurs de catéchisme. Il n’est donc pas étonnant qu’en 1917, on lui ait proposé de devenir vice-président du Congrès pan-russe des clercs et des laïcs qui s’était tenu à Moscou.

L’activité du père Serge à Paris était essentiellement consacrée à ses activités pastorales et de père spirituel des paroissiens et des membres de l’ACER. Il participait à tous les congrès que le Mouvement organisait alors dans différentes villes d’Europe ; il visitait les cercles de Paris, de Londres, de Riga, de Revel (devenu Tallinn), de Youriev (Tartu), de Petchora, de Prague, de Bratislava, de Brno, de Sophia et de nombreuses autres villes, tout en entretenant une correspondance avec tous ceux dont il avait fait la connaissance lors des congrès.

Le père Serge s’était totalement impliqué dans la vie du Mouvement : il encourageait chaleureusement l’organisation des camps de jeunes, en particulier du tout premier camp qui avait été organisé en Bretagne par Sophie Shidlovsky et dont il avait été aumônier. Archiprêtre expérimenté et père spirituel du camp, le père Serge participait à la vie quotidienne des enfants dans tous ses détails et savait insuffler l’amour de la prière, appelant les participants à s’y adonner sans aucune contrainte. Il était aidé dans ce même camp par Dimitri Klépinine, qui fut ordonné prêtre en 1937 et remplaça, avec le p. Lev Liperovsky, le père Serge lorsque celui-ci partit au monastère de Valaam.

Les publications théologiques du père Serge traitaient essentiellement des thèmes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Il écrivait également sur l’Église, traitait de la foi, de la vie des saints, de la vie monastique, du Symbole de la foi, de la vie liturgique. Le « Messager de l’ACER » a publié en plusieurs années plus d’une trentaine de ses articles. Actuellement ses écrits sont très demandés ; certains articles sont réédités en Russie et/ou se trouvent en accès libre sur Internet.

Le père Serge allait souvent au monastère d’Optina Poustyn’. Il était devenu avec le temps un spécialiste du monachisme russe et de la direction spirituelle (startchestvo), un spécialiste de Païssi Velitchkovsky qui fut l’un des fondateurs du startchestvo. Son premier livre «Le Starets et guide spirituel Ambroise d’Optino» avait été édité à Moscou dès 1912. En 1926, il avait fait paraître à Paris un second livre « Le Monastère d’Optina Poustyn’ », suivi en 1938 de « Païssi Velitchkovsky, un starets de Moldavie », qui fut réédité à Paris en 1976. Du 2 juillet 1937 au 1 juin 1938, le père Serge avait séjourné à Valaam, où il travaillait à l’écriture du livre sur Païssi Velitchkovsky. Le calme inhérent à la vie monastique favorisait ce travail. Le père Serge s’absorbait de plus en plus dans cette vie. En 1939, il était retourné à Valaam mais ne put revenir en France à cause de la guerre. En 1940, il était parti avec tous les moines dans un endroit reculé de Finlande où fut fondé le monastère de Novo-Valaam. À la fin de sa vie, il devint moine et reçut le grand habit.

L’archiprêtre Serge Tchetverikov a été recteur de l’église de la Présentation de 1928 à 1936 quand l’église était située au 10, boulevard du Montparnasse, puis de 1936 à 1937 dans le nouveau bâtiment du 91, rue Olivier-de-Serres.

La nouvelle église avait pu être installée grâce au travail de nombreux membres de l’ACER et tout particulièrement de Théodose Gueorguievitch Spassky qui enseignait la théologie et la pratique liturgique à l’Institut de Théologie Saint-Serge. Théodose a longtemps été lecteur, chantre et chef de chœur de l’église. À l’époque du père Serge, la paroisse se distinguait par une intense vie de prières. La prière liturgique est d’une richesse infinie. La liturgie, comme les autres offices, était alors quotidienne. De nombreux prêtres venaient célébrer avec le père Serge – les uns parce qu’un lien étroit unissait la paroisse à l’ACER et à son aumônier, d’autres parce qu’ils n’avaient pas de paroisse régulière où officier. Beaucoup profitaient de la possibilité d’apprendre auprès d’un prêtre expérimenté. Il émanait du père Serge un calme étonnant, une grande réserve. Tous étaient frappés par son regard profond, par une attention qu’il portait à chacun. Pendant les offices divins, il était tellement concentré que rien ne le gênait, ni le froid, ni la chaleur, ni les cris d’enfants dans la cour, ni rien d’autre. Il avait un besoin vital de ces offices qui se déroulaient en toute simplicité et sérénité. Théodose Gueorguievitch Spassky y contribuait de toutes ses forces par une lecture et un chant en profonde et pleine harmonie avec la célébration.

Le père Serge prêchait rarement ; le plus souvent il en chargeait un concélébrant, mais quand il prêchait lui-même, son prêche était consacré à des thèmes spirituels, conciliant sévérité et bonté, fidélité à la règle et liberté. On l’appelait « starets » et même « le starets des starets » suivant l’expression même du père Dimitri Klépinine. Le père Serge avait toujours beaucoup de jeunes servants ; certains d’entre eux, tels les frères Alexandre et André Schmemann, devinrent plus tard des personnalités en vue de l’église.

Le père Serge accueillait sans difficulté les prêtres sans paroisse que lui envoyait le métropolite Euloge. C’est ainsi que venaient célébrer le hiéromoine Méthode (Kuhlmann) et le père Georges Florovsky, parfois le père Boris Stark, le père Lev Liperovsky et, à partir de 1937, le père Dimitri Klépinine. Il n’était pas rare de voir le père Serge faire lui-même office de servant. Ces concélébrations amicales étaient d’autant plus nécessaires que le père Serge s’absentait souvent pour rendre visite aux sections locales de l’ACER et participer aux congrès, qui avaient surtout lieu dans les pays baltes.

Lorsque le père Serge partait pour Valaam, il écrivait de là-bas à Vassili Vassilievitch Zenkovsky et à André Vadimovitch Morozoff. Huit de ces lettres, parvenues jusqu’à nous, témoignent d’un souci permanent de la vie de l’église et de l’ACER. Les extraits de ces lettres nous permettent d’avoir une idée des soucis du père Serge. Il était préoccupé par l’humidité dans l’église, dont on ne savait comment se débarrasser, du sol qui devait être recouvert, de la couverture du toit qu’il fallait remplacer.

En mars 1938, recevant les photos de la nouvelle église décorée après le déménagement, le père Serge s’était fort réjoui de ce qui avait été fait, mais, dans le même temps, il avait eu un accès de tristesse au souvenir de ce qui lui avait été si proche et si cher. Il avait approuvé toutes les innovations qui avaient été faites dans l’église, et n’avait pas oublié de remercier sœur Jeanne Reitlinger pour les fresques du sanctuaire, exécutées avec art. Il avait remercié également Th. G. Spassky et tout le chœur pour le concert de musique religieuse traditionnelle qu’ils avaient organisé au profit de l’église.

Pendant ses années d’activité au sein du Mouvement et de l’église de la Présentation, le père Serge avait beaucoup écrit. Le « Bulletin du cabinet pédagogique et religieux » avait publié lors des années 1926, 1927, 1928 et 1930 ses articles traitant de l’éducation et de l’instruction religieuse. Le «Messager de l’ACER» avait publié ses articles sur l’Ancien Testament, sur l’Évangile, sur le Mouvement, sur la vie dans l’Église, sur l’ACER au service de l’Église et de la Russie. Le dixième numéro du « Messager », en 1928, contient un article du père Serge intitulé : « Deux jubilés : Léon Tolstoï et le père Jean de Kronstadt ». La revue « Put’ » – la Voie – publia entre 1928 et 1936 les réflexions du père Serge sur la prière du cœur, sur l’Eucharistie, et une discussion polémique avec N. Berdiaev.

Après avoir quitté le monastère de Novo-Valaam pour vivre chez son fils à Bratislava, le père Serge, malgré sa faible santé, avait écrit un grand ouvrage : « La Vérité sur le Christianisme ». Dans une lettre personnelle adressée à Nina Konstantinovna Rausch, il explique : « Ce sont des causeries sur les douze articles du Symbole de la Foi, dans lesquelles je montre que la vérité éternelle, sans laquelle l’homme perd le sens de la vie, se trouve dans le Christ… mais la Vérité du Christ et avant tout la Personne du Christ ne peut être accueillie que de tout son cœur aimant et sincère. » Plusieurs chapitres de ce manuscrit ont été publiés dans la revue « L’Éternel » (Vetchnoye), ainsi que « L’office des douze Évangiles », « L’Image de la Mère de Dieu dans l’Évangile » et « La place et la signification de l’Ancien Testament dans le christianisme ».

Le 28 janvier 1946, une réunion avait été organisée à Paris à l’occasion du cinquantenaire de son sacerdoce. Le père Serge y avait répondu par une lettre d’adieu aux membres de l’ACER :

« Au moment de vous quitter, c’est avec tout mon amour et ma prière que j’appelle la bénédiction de Dieu sur vous tous, sur les adultes et sur les jeunes. Le Seigneur m’a donné la force de vous porter dans mon cœur, comme autrefois Il avait donné à Moïse la force de porter dans son cœur le peuple d’Israël. Bien sûr je ne prétends pas avoir les mérites de Moïse, mais j’avais en moi une petite parcelle de l’esprit de Moïse qui gagnait en force et en fermeté dans l’union et la prière avec ceux qui œuvraient au sein de l’Action Chrétienne des Etudiants Russes. Je ne peux plus travailler avec vous mais je ne me sens pas fautif. Je remercie Dieu pour ce qu’Il m’a donné de vivre avec vous, je remercie ceux qui m’ont appelé à ce travail et celui qui m’a donné sa bénédiction pour l’accomplir. Mémoire éternelle au métropolite Euloge, inoubliable et bienheureusement endormi dans le Seigneur ! Il bénissait avec amour nos réunions et nos travaux auxquels il prenait une part active. Mémoire éternelle aux membres jeunes et vieux de notre Mouvement endormis dans le Seigneur. Ils brûlaient d’un même amour pour notre œuvre sainte. Le foyer de toute notre vie fraternelle dans la prière a été et sera toujours centré sur les prières en mémoire de notre Seigneur Jésus-Christ, de la très pure Mère de Dieu et Toujours Vierge Marie, de tous les fidèles acteurs de notre vie fraternelle dans la prière. Que cette mémoire demeure dans nos cœurs, qu’elle les réchauffe et les anime jusqu’au moment de notre joyeuse rencontre dans l’autre monde aux pieds de notre Seigneur et de Sa Très Pure Mère. Prions les uns pour les autres ! Prions pour nos frères défunts ! ». Le père Serge s’est éteint le 29 avril 1947 à 5 heures du matin.