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Centenaire de l'archevêché des églises Orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale

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Pèlerinages diocésains en Terre Sainte

Monseigneur Méthode

Auteur inconnu (DR)

A partir des années cinquante, des pèlerinages en Terre Sainte ont été organisés et animés chaque années par Mgr Méthode (Kuhlman). A sa mort, Mgr Romain (Zolotoff) a pris sa succession. Dans les années 2010, cette tradition a pu reprendre avec la participation de Mgr Gabriel (de Vylder) puis de Mgr Jean.

Pour l’Archevêché, ces pèlerinages ont revêtu une grande importance en particulier dans les quelques années (1965 – 1971) où l’Archevêché s’est retrouvé « de facto » indépendant. La bénédiction et l’aide du patriarcat de Jérusalem, sans laquelle rien n’aurait pu se faire, avait permis d'assurer à l’Archevêché sa place dans le plérôme des églises orthodoxes canoniques.

Témoignage de Hélène Slezkine (devenue Mère Abbesse, Moniale Olga) sur le premier pèlerinage en terre sainte en 1951

J’ai à raconter au sujet de notre premier pèlerinage, en 1951. L’évêque Méthode, qui était encore archimandrite à ce moment-là, désirait beaucoup se rendre en Terre Sainte. A l’époque, cela paraissait tout à fait impossible. Il a demandé conseil, on lui a répondu : « Adressez-vous à des Catholiques, ils y vont en petits groupes. Par la suite, vous verrez bien comment organiser des pèlerinages orthodoxes. Mais, pour une première fois, vous ne pouvez pas y aller comme cela, si vous ne connaissez personne ». Alors le père Méthode proposa à ses proches fidèles de participer au pèlerinage. Dix personnes, dont j’étais, s’y inscrivirent. Une semaine passe, le premier se désiste, puis un second, puis encore un autre. En fin de compte, le départ approche et tous se sont rétractés, sauf moi. Je dis à Maman : « Cela m’ennuie de voyager seule avec un prêtre. Cela va faire jaser ». Maman, avec sa sagesse, me dit : « Laisse-les parler ! S’ils se sont désistés, c’est leur affaire, toi tu t’es inscrite et tu y vas ». La veille du départ, il y eut un office d’intercession à Asnières. Je me souviens de l’atmosphère de prière extrêmement fervente. Dans l’église il y avait encore plus de monde qu’à Pâques, tous pensaient que le père Méthode ne reviendrait pas vivant. J’entendais des gens pleurer : « C’est triste, nous ne verrons plus le père… », « Bien sûr, il y a quelqu’un qui l’accompagne, mais c’est une orpheline ». J’étais juste derrière, je me taisais. A cette époque-là, il était vraiment inimaginable d’aller en Terre Sainte.

Et nous voilà partis, avec le père Méthode. Les Catholiques avaient tout bien organisé. Arrivés à Jérusalem, nous sommes descendus dans un hôtel, mais nous n’y sommes pas restés bien longtemps, car le père Méthode me dit tout de suite : « Faites comme vous voulez ; moi, je pars tout de suite à Gethsémani célébrer un office d’action de grâce pour remercier le Seigneur de ce que nous sommes arrivés sans encombres jusqu’ici ». Les Catholiques ont mis un guide à notre disposition et nous sommes partis pour le Monastère russe de Gethsémani, c’est si beau là-bas ! Les sœurs nous ont accueillis de façon merveilleuse et nous n’avons plus revu notre groupe de Catholiques jusqu’au jour du départ.

Dès le premier soir, nous sommes allés à la basilique de la Résurrection et avons participé à la Liturgie nocturne célébrée sur le Saint Sépulcre, après quoi le gardien du Saint Sépulcre, un certain père Daniel, très gentil, me proposa un coin pour me reposer. Les puces me piquaient, mais au moins, j’étais allongée. Il me dit : « Nous avons ici un prêtre russe, voulez-vous faire sa connaissance ? » Je lui répondis que je le connaissais !

Nous avons visité tous les Lieux Saints : le Jourdain, Bethléem, Eléon, etc…tous, tous ! En chaque lieu, nous avons prié, chanté tous les tropaires, le père Méthode lisait l’Evangile. A la fin, nous avons retrouvé notre groupe catholique. Ils avaient parfaitement compris que si eux avaient leurs offices, nous aussi avions les nôtres.

Moniale Olga (Slezkine)

Auteur inconnu (DR)

De retour à Asnières, le père Méthode pensa tout de suite à l’organisation d’un pèlerinage pour les fidèles orthodoxes. Cela me paraissait très difficile à réaliser. Mais lui disait : « Non, cela va s’arranger… Il suffit de mettre une annonce, on verra bien ». Un groupe de 28 personnes se forma, et sans rien savoir, on se mis en route. Nous étions en bateau, nous sommes passés par Venise. Nous transportions tout un chargement : des valises, des sacs, des paquets… Lors du premier pèlerinage en Terre Sainte, le père avait remarqué que la misère y était effrayante. Il s’était alors adressé à tous les fidèles de Paris, leur demandant d’aider les monastères orthodoxes, chacun selon ses moyens. Et tout Paris fit un effort pour donner quelque chose, sans s’arrêter aux conflits de juridiction. On avait rassemblé beaucoup d’affaires, mais il n’y avait que 28 personnes pour les emporter, les bagages étaient donc très lourds pour chacun d’entre nous. Sur le bateau, je n’ai pas eu la moindre minute pour m’asseoir. Il a fallu se procurer de petites tables pour célébrer Vêpres et Matines, puis régler tel problème pour un membre de notre groupe, puis tel autre pour un second, et ceci sans interruption. Je dois avouer que cette fois-là, ils n’auraient pas pu se débrouiller sans moi. Le pire nous attendait à la frontière, nous avons attendu, debout, pendant cinq heures ! Et de même à chaque frontière.

Au Jourdain, nous avons traversé le pont à pied en chantant « Ouvre-nous les portes du repentir… » Béthanie, l’unique endroit où nous étions attendus, était déjà tout proche. Une fois sur place, nous avons découvert d’âpres conditions de vie : ni eau, ni électricité (on utilisait des lampes de poche), mais nous avons été reçus très aimablement. Le lendemain, nous avons rencontré Sa Sainteté le Patriarche Timothée, qui se souvenait des Russes d’avant la Révolution. En nous voyant, et apprenant que nous étions Russes, il se mit à pleurer. A la fin de l’entrevue il nous pria de lui chanter en russe « Mon âme, mon âme, pourquoi dors-tu ? » Et notre périple de continuer. Les autocars étaient vétustes, si bien qu’en allant à Bethléem, nous pensions ne jamais y arriver….tant nous étions secoués ! Le père Théodose de Béthanie nous accompagnait et disait : « Ludmilla, (c’était notre chef de chœur), chante ! Allez, chante quelque chose ! ». C’était au point que l’on craignait l’effondrement de l’autobus… En fin de compte, tous restèrent sains et saufs, et ravis du pèlerinage. Nous transportâmes le Saint Feu jusqu’à Paris, malgré maintes difficultés : sur le bateau, ensuite dans le train, puis dans un autre train, et ainsi jusqu’à la cathédrale Saint Alexandre Nevsky, où des fidèles nous attendaient pour le recueillir et l’emporter chez eux. Voilà notre premier pèlerinage orthodoxe. Par la suite, ce fut plus facile, nous savions déjà que prévoir pour tel endroit, à quoi s’attendre en tel autre. Cependant les premiers pèlerinages furent tout de même assez laborieux.

Il faut souligner qu’il s’agissait véritablement d’un évènement historique, autant pour notre archevêché que pour la Terre Sainte. Après une si longue interruption – tant d’années sans groupe de pèlerins à Jérusalem – un pèlerinage osait à nouveau être organisé. Les sœurs de Béthanie m’ont confié par la suite : « Depuis la venue de l’archimandrite Méthode, tout a changé ici, l’électricité a été installée progressivement, l’eau courante aussi ». Pour la Terre Sainte, cela marqua une étape.

Le second pèlerinage compta 48 personnes. Chaque année, c’était une fête pour ceux qui partaient et pour ceux qui attendaient en Terre Sainte leur nouvelle famille de France. Le dixième pèlerinage fut célébré par une grande fête à Paris. Le onzième pèlerinage comptait 62 personnes, et le douzième 84. Les pèlerins venaient de différents pays, y compris des États-Unis. Nous avons eu la joie d’obtenir la bénédiction de Sa Béatitude le Patriarche Bénédictos et de faire brûler devant le Saint Sépulcre une veilleuse sur laquelle est gravé le nom de l’évêque Méthode.

Photos des pèlerinages en terre sainte

Témoignage du Protopresbytre Alexis Kniazeff

Monseigneur Méthode fut à l’origine de deux entreprises qui étendirent l’influence spirituelle de sa paroisse d’Asnières bien au-delà des frontières de l’Eparchie et qui contribuèrent à la renommée et à la gloire de cette paroisse et de son recteur dans tout le monde orthodoxe.

La deuxième entreprise , ce fut les pèlerinages en Terre Sainte. Les orthodoxes russes ont toujours aimé la Terre Sainte de tout cœur et de tout temps, ils firent beaucoup pour elle. Le flot des pèlerins venus de Russie, ininterrompu pendant des siècles, fut tari après 1914. Monseigneur Méthode rétablit ce lien avec la Palestine pour cette partie du peuple orthodoxe russe qui se trouvait à l’étranger. A partir de 1952, on revit de nouveau, grâce à Monseigneur, des groupes de pèlerins russes dans la sainte ville de Jérusalem et dans les autres lieux saints liés à la vie du Christ. Monseigneur lui-même, prenait à chaque fois la tête de ces groupes. Ils partaient de Paris, mais parfois il se joignait à eux des personnes venues d’autres pays d’Europe et même d’Amérique, des jeunes et des vieux, des gens simples ou éduqués, des laïcs, des prêtres et des évêques. Monseigneur organisa aussi l’aide destinée aux monastères russes de Palestine, qui étaient dans un grand besoin, et souvent, afin d’alléger les difficultés de ces communautés pauvres, les fidèles donnaient d’une manière touchante jusqu’à leurs dernières économies. Monseigneur était un homme de prière, et son sens irréprochable de l’Eglise, sa sensibilité spirituelle et son attention envers chacun lui valurent en l’Orient, le respect et l’amour de tous. Il était reçu par les Patriarches orthodoxes orientaux, de Jérusalem, d’Antioche, d’Alexandrie, et par le Patriarche Œcuménique. Il devint ainsi un lien vivant entre le Paris orthodoxe et tout l’Orient orthodoxe.

Cher Monseigneur Méthode, qui demeure pour toujours dans notre mémoire, que le Seigneur console aujourd’hui la multitude de ceux qui sont dans le chagrin à cause de toi ! Qu’Il t’accueille dans Sa joie, comme un serviteur fidèle qui a fait fructifier son talent, tant le sien que ceux qu’Il t’avait confiés. Et toi, Tu es déjà entré dans la glorieuse histoire de l’épiscopat orthodoxe, comme un de ses meilleurs exemples et de ses plus brillants flambeaux.